Les ateliers d'écriture 2013


Esclavage et Liberté

(Epithalame ou Beaux Présents Croisés)


L’âge sage lasse,
Glace les esclaves,
Avale le glas
Classe-le !
Lave-le !
Va, cavale escale !

Belle terre brille.
Réel rite l’été
Retire le blé.
Trie-le !
Lie-le !
Lire te libère.

Le traître se gave.
Avertis-le !
Il vacille.
Berce les rebelles
Rallie-les !
Livre ta rage
Agis et vis.

Yves





Atelier du matin avec Coraline : Duo de poésie par coeur



Sur la dune


Une lune
en alu.
En alu,
c’est la lune.

Nous deux nus,
une dune.
Sur la dune,
nous deux nus.

Puis la lune en allée,
avec toi  je m’emmêle,
à l’abri des oyats

et du sable, qui crisse,
sous le poids de tes cuisses.
C’est la dun’ du Pyla.

Bérénice Rapilly





Traduction imaginaire du slovène

Demain

Quelle teinte a le temps aujourd’hui ?
Gris partout
Qui teint les morts vivants ailleurs ?
Le-soleil-d’or-dont-les-rayons-ordonnent-le-monde-et-son-écho[1]
Demain, y aura-t-il des nuages ?
Les nuages, ça se froisse
Demain, y aura-t-il des étoiles filantes ?
Les étoiles filantes, ça se froisse
Là où le croissant s’envoyage
Qui a peint ici les chemins ?
La-lune-d’argent-dont-la-pâleur-étreint-et-borde-le-moindre-nid[2]
Quelle teinte, là-bas, l’horizon des tendresses ?
Mauve partout
Demain, y aura-t-il des rubans ?
Les rubans, ça se froisse
Demain, y aura-t-il des dentelles de souvenir ?
Les dentelles de souvenir, ça se froisse
Pour broder une nuance amie

Demain ailleurs peut-être un inconnu discernera le tremblement d’une lueur
Demain ailleurs peut-être l’épaisse couleur de la vase se dissipera
Demain, ici, là où j’hésite
L’aurore teindra-t-elle ce qui se frôle ?
Qui teindra ailleurs les rosées ?
Toi-toi-qui-es-mon-ombre-et-qui-n’a-pas-de-nom[3] ?

 Agathe




[1]                      Formule rituelle hypersynthétique utilisée par les adeptes du culte primitif slovène de Mère Nature

[2]                      Cf. note 1

[3]                      Cf. note 2



Photo n° 505 Quatrine des sens non visuels


Sensations forestières


Garde cette écorce qui t’écorche
L’humus te révèle la douceur des chanterelles
Bois tu frappes, bois qui craque
Tu cueilleras l’ail des ours prochainement

Epeiche et Epeichette tambourinent de plus belle
Flotte dans le sous-bois un esprit de printemps
Diffusion de violettes dans un peu d’eau chaude
Echarde plantée en plein dos

L’astringence de la terre sur ma langue
N’a pas la force du velours de ton regard
Primevères et muguet explosent en atmosphère florale
Je fais résonner ton nom au bout du chemin

De l’arbre mort s’échappe le parfum du passé
Le cri du Grimpereau est presqu’inaudible
J’enfonce mes deux mains dans la boue dégelée
Quand le sureau fleurira, j’en ferai du sirop.

 Yves
 

 

 

 

 

 

 


Petite boîte (sur une idée originale de Jacques Jouet)
(contraintes : 6 vers  de respectivement 7 7 8 ? 8 7 syllabes
                      ? = verbe (les autres vers n’en contiendront pas)
                      L’ensemble est une seule phrase.

                      Support : une photo témoignant de la vie quotidienne de Pirouésie)

Photo 611 (on voit les Pirouètes écoutant, attentifs, un orateur invisible derrière le presbytère, - église en fond) :

Devant le temple solaire
Adorateurs et fidèles
En postures de subsumants
Sourient
Au grand vide  au grand Goubelin 
Au gourou, bel Anonyme

Valérie Lotti


Quatrine cynesthésique descendante(d’après Frédérique Forte)

(contraintes : 4 strophes de 4 vers consacrés aux 4 sens sauf la vue avec permutation et disparition d’un sens imposés : ABCD / CBA / BA / A.

                     Support : photo 501 (on voit des plats de chou-fleur au gratin entourant des gamelles rectangulaires contenant des haricots verts fagotés par une large lanière de lard fumé).


Plats et gamelles distants dans les cageots font silence.
Le gratin de chou-fleur enserre les haricots sans pouvoir même les effleurer.
Les papilles encore frappées d’interdiction anticipent les saveurs.
Fromage ou lard fin fumé, les plus forts fumets rivalisent.

Le salé domine dans tous les plats.
Les textures se disputent : fondant des légumes, élasticité du gratin, résistance des viandes.
On se souvient du grésillement des chairs dans la poêle de du « Plop ! » du gruyère qui claque                            [sa bulle dans le four.
Les fagots de haricots jouent à touche-touche, les bouquets de chou-fleur se confondent.
On imagine le cliquetis des louches que l’on sort du sac.

Quelqu’un crie enfin : « À taaable ! ».

 Valérie Lotti

Photo n°603 et la petite boîte                           Yves et Arnaud


Face à la mer, au rivage
La vraie potentialité
D’une existence harassante
Se couche
En notes liminaires puis
En phrases définitives.

Un pied seul sur l’image
Deux mains, dix doigts concentrés
Hors cadre une tête coupée du corps
Dodeline
Nombreux mots approximatifs
Une syntaxe hésitante

 
Yves et Arnaud


 



Joséphine sensorielle (photo n°605)

Fouler l’herbe qui chatouille les chevilles
Là-bas, là devant, les rumeurs, clapotis de paroles
Préférer s’enivrer des odeurs des sous-bois
Un brin d’herbe à la bouche mâchouillé distraitement

L’herbe à la bouche devient amère
La rumeur disparaît, seules les herbes bruissent
Laisser griffer ses mains aux herbes hautes

Ici le sol s’ensable et glissent les sandales
Recracher le brin d’herbe, l’amertume qui reste

             S’attarder dans les herbes et lisser leur douceur
Agathe
 












Poèmes à la façon de François Caradec (Les nuages de Paris)


Les nuages de Pirou – sur le modèle de « La traversée de Paris » de François Caradec

Un, deux, trois Pirou différents
Le vrai Pirou est-il au centre du triangle ?
C’est exprès pour tromper les gens.

Faire le pont à Pirou-Bourg
Ou s’ensabler à Pirou-Pont
Je n’sais plus où
A force de tourner en rond
A Pirou-Plage où est l’amour !

            C’est ça Pirou ?
               Agathe 


Il faut de tout pour faire Pirou

Des vagabonds et des agents
Pompiers et sauveteurs hurlants
Des glaces, des gaufres, du Zan
Un club Mickey, des mômes piaillant
Des japonais peu abondants
Des beaux tracteurs, des coups de sonde

Des sirènes, du vent, des sœurs
Des curés, des grands, des blagueurs
Des lourds, des yoyos, des jongleurs
Des danseuses nues, des marcheurs,
Des croches et des noires bien rondes

Des dinosaures, des vauriens
Des noctambules, des magiciens
Des huitres, des lilliputiens
Des rabots, des clous, des martiens
Et ces blancs bonnets qu’on les tonde !

Des elfes, des trolls pas marrants
Un cimetière, des chats-huants
Des stressés et des nonchalants
Et cela fait un petit monde

Mais pas trop n’en faut.

Yves

SONNET MINCE

Passe au
salon !
Salon,
Pas sot !
Passe haut !
Ça, long,
Sale ? On
Passe au
Voisin.
Vois, un
ballon-
jouet,
Jouez 
à l’ombre !
  Jean-Luc D.


Inspirées par Les Nuages de Paris, de François Caradec, trois variations pirouésiennes

QUATRE DISTIQUES PIROUAIS


Ce village Pirou, où loge Rapilly,
Offre des moules-frites avec pili-pili.
Ce village Pirou, un Liré du bocage,
M’était une province, et beaucoup davantage.
Ce village Pirou de secours peut servir
Si votre garagiste est enclin à sévir.
Ce village Pirou est au bord de la Manche,
J’y viens le samedi, le lundi, le dimanche.





LA TRAVERSÉE DE PIROU

La lande est tout près, un tueur
Féroce vous guette. Il est là, scrutateur.
Fuyez, hop ! Qu’il ne vous étrangle !

Bulots, vite, décramponnez !
Car ce tueur, je le connais.
Voici son nom :
Le Tartreucide, un vrai démon,
Aussi nommé Bulou-Garou…

C’est ça Pirou ?


IL FAUT DE TOUT POUR FAIRE PIROU

Des vacanciers, des habitants,
Des Parisiens, des bas-Normands,
Papys, mamys et des parents,
Tonton, tata et des enfants,
Il faut que famille se fonde,

Des carrioles et des tracteurs,
Des beaux vélos et des marcheurs,
Des pétanqueux et des surfeurs,
Des barboteux et des nageurs,
Désireux tous de gagner l’onde,

Des gros zoziaux et des moyens,
Des animaux, des chats, des chiens,
Ceux qui, dans l’eau, se trouvent bien,
Bulots qu’on vend pour trois fois rien,
Se cachant dans la mer profonde.

Je vous le dis, moi, Doutrelant,
Être à Pirou, c’est excitant,
Et c’est surtout dépaysant :
Ici, on se sent loin du monde.

Mais pas trop n’en faut !

                               Jean-Luc D.


Quatrains à rimes offertes

(Tu me portes toujours, même dans le silence
De Florence à Patras, de Corinthe à Valence
Dans leur visage à eux un sourire connu
Résonne dans tes yeux à l’instant mis à nu)

Ton rire mystérieux me vrille et se mélange
A l’incompréhension, fascination étrange
Pour ton regard perçant où nager sans périr
            Est aussi périlleux que de vouloir mourir
 Agathe

Atelier jeudi après-midi avec Amélie
Mots tirés : vomir- houppelande
houppelande : long vêtement de dessus, ouvert par-devant, souvent fourré, à larges manches flottantes .

Le vomisseur en houppelande

Ma profession a deux facettes toutes aussi dégueulasses l'une que l'autre.

Ce sont généralement les femmes jeunes, voire très jeunes, souvent d'ailleurs pas encore tout à fait femmes ou tout juste réglées, qui ont recours à mes services. Cette clientèle est mince, très mince, voire extrêmement maigre, es asperges dira-t-on, de la mauvaise herbe qui a poussé trop vite. Depuis peu, elles ont fait leur deuil de Ken et n'éprouvent plus le besoin de communiquer à leur meilleure amie, sur papier à lettre DIDL, chacun de leurs états d'âme.
Dès que l'une d'elles commence à s'empiffrer, je sais qu'il est temps de décrocher ma houppelande de la patère et de m'envoler à son chevet. Quelquefois, comme à Pirou, la voie maritime étant plus rapide, j'étends mes larges manches flottantes sur la mer et rame à toute vitesse. Il s'agit ensuite de protéger ma protégée des regards indiscrets et de lui permettre, grâce à des attouchements bien positionnés, de se libérer du trop plein accumulé entre oesophage et intestin grêle. Je recueille alors ce nectar immonde et pestilent autant que possible dans ma fourrure intérieure, pour ensuite l'évacuer peu à peu le long de la manche gauche- dite orientale- puis de la manche droite- dite occidentale.

Parfois j'ai à faire à quelque client d'un tout autre genre. Il s'agit alors d'une clientèle d'un genre moins déterminé, bien que très souvent, ce soient des femmes mûres, très mûres déjà, de celles qui regardent toujours par la fenêtre ... Arrivé auprès d'elles, j'ouvre un pan de ma houppelande, les protégeant à demi des regards indiscrets pendant qu'elles vomissent leurs calomnies sur l'ensemble de leurs connaissance. Mon art consiste à manier la houppelande de manière faire écran entre la calomnieuse et la personne citée et à créer ainsi une sorte d'intimité entre les jaseurs. Simultanément, je dois trier et recueillir tout ce qui est débité afin de l'exgurgiter incognito sur les personnes concernées.

Si le métier de vomisseur en houppelande vous intéresse, il faut savoir qu'il n'y a qu'une école au monde pour apprendre toutes les ficelles du métier.  Elle se trouve dans une île située entre la Manche occidentale et la Manche orientale, pas très loin de Jersey, juste en face de Pirou : un sac formé de gros rochers découverts seulement à marée basse. Cela a l'avantage incontestable de permettre un nettoyage rapide des houppelandes souillées.
Il est de plus en plus difficile de renouveler le vivier des apprentis se destinant à notre sale boulot . Les cinq dernières années, le concours d'entrée a dû être supprimé faute de candidats.
Les qualités requises sont le goût du contact et la facilité d'échange; la mobilité, l'adaptabilité et la réactivité. Une grande capacité d'appropriation des rejets en tous genres, qu'ils soient de consistance organique ou immorale est bien entendu indispensable.

Les bulotiers pirouais, d'ailleurs, regrettent cette baisse constante des vocations chez les jeunes qui les oblige à mener leurs barges de plus en plus loin et à poser les casiers de plus en plus profond pour une récolte minable. Les touristes, aussi, commencent à bouder la fête des bulots. Déjà, les bulots se font rares beaucoup moins dodus, se plaint-on en catimini, lors des soirées de Pirouésie. Vont-ils bientôt disparaître, manquant des vitamines fournies par les jeunes filles qui ne digéraient pas ?

Brigitte




Atelier jeudi après-midi avec Amélie
Mots tirés : engouffrer - arbre

 L'engouffreur d'arbres

Je suis né dans les Vosges au siècle dernier. Jusque fin décembre 1999, j'étais bûcheron. La vie suivait encore son traintrain habituel. Le matin, j'attelais Bébert, un Percheron dans la fleur de l'âge. Puis nous gravissions tous les deux un sentier escarpé sur les flans d'un ballon, un jour au  Grand Ventron, l'autre au Climont. Arrivé sur la parcelle, d'un oeil vif, je repérais le martelage d'un épicéa à couper, j'évaluais rapidement l'arbre et son environnement afin de déterminer la direction et la zone de chute à privilégier. Martin, mon accolyte m'attendait déjà. Il avait monté la schlitte, dégagé le sol autour des arbres à abattre et graissé le passe partout, cette longue scie à deux manches que l'on manipulait à deux. Les oiseaux chantaient. Alors tout suivait le rythme qu'avait déjà connu mon père et mon grand-père. Le va et vient du passe partout, l'arbre qui geint, les coups portés à la hache, l'arbre gémit la pose des coins, l'arbre craque. Il tombe. Un geai crie . C'est le silence. Puis les tronçonneuses s'affairent, les branches quittent le tronc. Après l'élagage il faut débiter les grumes et les répartirsur la schlitte. Martin se met devant, cambre le dos. C'est la descente. En bas, Germaine nous attend. La soupe sera bonne. *

Depuis Lothar, cette tempête qui a ravagé les forêts de l'Est au lendemain de Noël, le métier a changé. J'ai dû me reconvertir. Mes jambes ne me servent plus à grimper ni à m'ancrer dans le sol., elles appuient sur des pédales. la cor,ne accumulée dans les paumes de mes mains ne me sert plus à rien. Ce sont mes doigts qui travaillent sur d'innombrables commandes. Six mois de formation pour apprendre à piloter cette abatteuse de près de 20 tonnes, équipée du système d'automatisation TimberMatic. Elle fait tout : l'abattage, l'ébranchage, le tronçonnage et la griffe soulève les grumes et les empile sur le plateau-remorque qu' elles quitteront débitées en granulés ou allumettes. Lorsque l'engin redescend dans la vallée après quelques heures de travail, tout le versant est nu, il ne reste que les souches. Je reste au sec dans ma cabine climatisée. Mais la nuit mon dos torturé par les vibrations m'empêche de dormir.  Je ne risque plus l'accident de la schlitte qui s'emballe. Mais attention à l'enlisement! Et quel vacarme: le grondement des moteurs, les sons stridents, perçants, un brouhaha incessant dans une forêt de silence. Lothar a violemment précipité ma profession dans un enfer. Je suis devenu engouffreur d'arbres.

Brigitte 

 
Dialogue entre le calorifugeur de force et l'engouffreur d'arbres

- Ce qui m'intéresse vraiment c'est de savoir comment vous arriver à limiter l'échauffement des engouffreurs.

- C'est un réel problème en effet. Nous avions prévu un réfrigérateur de poche dans l'habitacle. Mais très rapidement, les engouffreurs y stockèrent leur schnaps.

- C'est donc des engouffreurs d'alcool, si je comprends bien,

-Il n'y aurait pas eu besoin de six mois pour cette reconversion. C'était inné.

- Notez que l'alcool ça réchauffe drôlement aussi. Comment pourrait-on calorifuger ces saoulards ? Je puis étudier la question. !

-  Et n'hésitez pas à employer la force.

Henry et Brigitte
Dialogue entre le vomisseur en houppelande et le caviardeur de rateau

-En quoi puis-je vous être utile ?
-Je n'en sais pas grand'chose... Votre métier me paraît tellement exotique ! Le mien au moins est très courant.
-Avez-vous au moins bien digéré le lapin au cidre de ce midi ,
-Non, je l'ai vomi sur ma houppelande dans un coin du presbytère... Je n'osais pas l'avouer.
-Vous exagérez ! Je vais me plaindre à ma chambre des métiers : c'est de la concurrence déloyale ! Faut pas s'étonner que notre métier se meure !
- Si maintenant on ne peut plus vomir à son aise sur sa houppelande, où va-t-on ? plaignez-vous à la chambre des métiers. moi, je ferai appel à la Cour des Droits de l'Homme !
- Du râteau ! Du râteau !
Brigitte et Henry


Morale élémentaire d'après 'Du côté de chez Swann' de Marcel Proust


Dimanche ensoleillé                   Jardin ombragé                   Marronnier paisible
                                                   Existence vidée
Lecture magique                         Silence azuré                      Oreilles hallucinées
                                                    Cloche effacée
Aspirations étranges                      Pays arrosé                         Eaux vives
                                                  Vie aventureuse

                                                   Dans le cristal
                                                      successif
                                                     lentement
                                                   changeant de
                                            mes heures silencieuses
                                                sonores, odorantes
                                                     et limpides

Fille folle                                  Oranger renversé                  Garnison arrivée
                                                Lecture interrompue

Antoine Debergues

Petite expérience philosophique quotidienne

Pause-café

Durée : 1 à 2 minutes

Matériel : Une cafetière, quelques personnes désireuses de boire un café, une tasse vide pour chaque personne.

Effet de l'expérience : s'oublier un peu

Arrivez dans la cuisine du presbytère avec l'intention de boire un café environ dix minutes avant la présentation des ateliers de l'après-midi. Constatez qu'il reste du café et que plusieurs personnes viennent d'entrer dans la pièce et de se saisir d'une tasse, dans l'intention évidente de boire du bon café. À ce moment-là vous avez la cafetière en main, vous ne vous êtes pas encore servi mais vous proposez à la première personne de la servir. Ceci fait, vous vous laissez emporter par cet élan de générosité  et vous lancez aux quatre autres personnes pas encore servies : 'Oh ben tant que j'y suis !'Vous vous servirez après avoir servi vos camarades.
Durant cet micro-scène vous avez accompli un acte qu'on peut qualifier de 'gentil', vous avez spontanément pensé aux autres avant de penser à vous, siphonné votre moi de son trop-plein d'ego
et vidé la cafetière (n'oubliez de refaire du café). Une petite ouverture vers quelque chose de plus grand.

Antoine Debergues



99 notes préparatoires à... (sur une idée originale de Frédéric Forte)


99 notes préparatoires à l’itinéraire d’un lecteur potentiel

1)      Longtemps lire a été un privilège de classe.
2)      Lire a pu – et peut encore - signifier un pouvoir.
3)      Être lecteur, être électeur.
4)      Lire n’a pas toujours été un acte laïque, gratuit et obligatoire.
5)      Une élite jalouse a longtemps conservé cette supériorité intellectuelle.
6)      Une élite éclairée a voulu la partager avec le plus grand nombre.
7)      Ne pas savoir lire, ne pas être libre.
8)      Apprendre à lire à tous.
9)      Un enfant apprend à lire une première fois vers 7 ans, âge dit de « raison ».
10)  Lire égale alors « déchiffrer » - défricher la langue : sons, articulations, combinaisons – et « comprendre ».
11)  Lectures utiles ou utilitaires : recette de cuisine, factures, feuille d’imposition, notice de montage…
12)  Je veux lire tout seul.
13)  Lecture-plaisir : se raconter des histoires.
14)  Un adolescent apprend à lire une deuxième fois : accéder à un sens non immédiat. Se voit-il fourmi ? Se rêve-t-il cigale ?
15)  Ticket aller pour la littérature.
16)  « J’aime pas lire. » : incompréhensible !
17)  Fréquentation assidue des bibliothèques en attente du premier argent de poche.
18)  Lire : un passe-temps ?
19)  Lectures frivoles, futiles, inutiles : magazines, romans-photos… Bandes-dessinées ?!… Oh !
20)  Premiers « vrais » livres : Le Petit Prince, Le Grand Meaulnes, Le journal d’Anne Franck.
21)  Virus de la lecture.
22)  Ne pas vouloir en guérir.
23)  Lire : mauvais pour la santé ? Danger ? Protection ?
24)  Leitmotiv maternel : « Tu lis encore ? Mais sors ! Va t’aérer ! »
25)  Premiers argent et livres de poche : Paroles, Exercices de style, L’Écume des jours.
26)  Troisième apprentissage de la lecture : notion de style, - dire et surtout comment dire.
27)  Lectures justifiées : le bac de français. En abuser !
28)  Lire avec les oreilles : Rimbaud, Verlaine, Aragon, Villon… dans la voix de Brassens, Ferrat, Ferré…
29)  Lire : révélation du monde plus que du soi.
30)  Lire : passion pas passive.
31)  Livres qui font changer de chemin.
32)  Livres qui changent la vie.
33)  Ne pas savoir lire dans le marc de café puisqu’on boit du thé en lisant.
34)  Les livres beaux, les beaux livres, les Belles-Lettres.
35)  Études de Lettres.
36)  Lecture des lettres.
37)  La lecture, un « vice impuni ». Un vice ?!… Impuni ?…
38)  Madame Bovary, ce n’est pas moi.
39)  Qu’est-ce qu’un « bon » livre ?
40)  Pourquoi lire les classiques ?
41)  De la lecture avant toute chose et que le reste soit littérature !
42)  Amour et lecture : « Tu lis contre moi ! »*.
43)  Lire ou séduire, il faut choisir.



* François Truffaut, L’Homme qui aimait les femmes.


(Là s’est arrêtée ma lecture … J’avais écrit alors 47 notes. J’ai procédé à de légères – j’ai le plus souvent allégé le texte ! - retouches ici ou là en les recopiant et ai ajouté l’item 28.).

Valérie Lotti


EPITHALAME GREVISSIEN sur l’union du vocabulaire et de la grammaire

Voici :                                                                  Rage !
arbre ou abri                                                    Régir, régir,
Bravo !                                                                gémir,
cabri ou cabriole                                             ramer,
Olé !                                                                     ramage,
il ou elle, elle ou lui                                        maigre grimage…
éclair ou lueur                                                  Gare,
oreille ou ocelle…                                           Mamma mia !
Voici, voilà.                                                        Marre ! Marre !

                               La grammaire gère le vocabulaire.
                               Elle règle, elle mêle, elle relie.
                               Le vocabulaire, lui, comble la gamme.
                               Le babil m’agrée, vice oublié.
                               Avec elle, avec lui, voilà le mariage rêvé.
                               Grâce à lui, grâce à elle, voici
                               la magie imagée.
                              
                                                              Jean-Luc D.




HOMOSYNTAXISME
Phrases de départ : Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. J’ai d’instinct l’impression que la providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. (Charles de Gaulle, Mémoires de guerre)
Tous les étés, je me suis fait un certain nombre de kilos de confiture. La gourmandise m’y invite aussi bien que le souci de l’économie. J’ai stomachalement la conviction que mes marmites l’ont cuite pour des banquets fastueux ou des indigestions funestes. (Tant’ Yvonne, Mémoires de naguère : déconfitures, dégelées et autres compotes)
                                                                                                                                             Jean-Luc D.

CHAÎNE DE QUATRE HAIKUS AVEC CLAUSULE ALEXANDRINE

L’herbe jaune et rase
Dans le ciel un oiseau crie
Tige redressée
Tige redressée
Là, dans le carré magique
La vrille s’enroule
S’enroulent les mots
Tout autour de l’armature
De la forme fixe
La forme fixée
Ici des vers enchaînés
Ecrits aujourd’hui
Tiges de mots tressés, sous le ciel un oiseau.

Le souffle du vent
Et l’acharnement du lierre
Nature éternelle
Nature éternelle
Feuille, fleur et puis noyau
L’été puis l’automne
L’été puis l’automne
La voix des cloches rend-elle
Un son identique ?
Un son identique
Souffrance de l’escargot
Plaisir du lézard
De lierre couronné, l’été souffre et se meurt.                  Collectif
CONCILIABOULES DE NEIGE DE MOTS (croissantes et décroissantes, avec expansion ultérieure d’une réplique au choix)

  Dégage !
  Non pas.
  Tu t’accroches ?
  Lâche-moi les baskets.
  Tu m’énerves trop fort.
  Non, assez, ça suffit ! Si je veux rester avec toi, je reste. Pour la première fois que tu rencontres une fille !... Alors je peux tenir la chandelle.
  Doucement les basses !
  D’accord.
  Maman !!!


Tiens !
– Incroyable coïncidence !
La même femme !
– Celle de la plage.
On devrait lui parler maintenant.
– Au moment crucial où…
Où elle quoi ?
– Où quoi ? Bon sang, regarde bien ce qui se passe ! A quoi te font penser ses gesticulations ? Ne comprends-tu donc pas quel est son manège, là au milieu des flots ? Ne te semble-t-il pas qu’elle…
Coule !
                                                                                                                             Collectif




SONNET COIFFÉ

Garde-champêtre altier, ôte de ton bicorne
L’attribut désuet. Si tu étais yéyé,
Tu laisserais tomber cette taie d’oreiller
Qui, en points d’Alençon, préfecture de l’Orne,
Te sert de couvre-chef. Permets ici que j’orne
Ton beau crâne vainqueur d’un chapeau de papier,
D’une page arrachée à mon petit cahier
Dont je retrousserai les deux pointes en corne.
Ou bien, si tu préfères, avec un vieux pudding,
Tout en sonnant ta cloche (elle fait : ding ding ding).
Va donc de huis en huis, tandis que tu allumes
Chaque chandelle morte à l’instar de Pierrot !
Chaval te soufflera : ils sont cons, les oiseaux.
Tu le seras aussi, toi qui portes la plume.
                                               Jean-Luc D.


QUATRAIN JOUETIEN (et mathématique)

Je pose quatre, deux, ces chiffres doucement,
Puis douze, trente, trois ; j’ajoute presque treize
Dont j’ôte quatre, six (je cherche lentement),
Quatre, trente barrés : la somme donne seize.
                                               Jean-Luc D.







SONNET MINCE

Passe au
salon !
Salon,
Pas sot !
Passe haut !
Ça, long,
Sale ? On
Passe au
Voisin.
Vois, un
ballon-
jouet,
Jouez 
à l’ombre !
  Jean-Luc D.






« Epithalame »

Ta trace menace ma tempérance

Ta tempérance, cette âme armée
Narre ta trace
Encre ta race
Pare à cette errance

Ta trace menace ma tempérance

A côté, ton axe cite : « Action ! »
Cet ion à toi et à tâtons
Tente l’excitation
« Tic-tac, tic-tac »
Ta natte nette nie

Ta trace noie ma tempérance
Menace mon axe
Attache mon âme à ta nation.
 Floriane




« Tempête sous un crâne »

Faîtes que mes cheveux se transforment en aiguilles de pins, mes membres deviennent branches, mon corps tronc.
Ainsi, je pourrais me laisser aller à l’expérience de la verticalité sans effort, verticalité sans effort, verticalité sans effort, verticalité sans effort…

10 ans plus tard

Putain de branches, elles me reviennent toujours dans la gueule. Ma verticalité m’oppose, mon tronc me flippe, mes aiguilles tombent et éprouvent mes racines.
Faîtes que mes aiguilles se transforment en cheveux, mes branches en membres, mon tronc en corps.
Je pourrais faire à jamais l’expérience de la mobilité des hommes, instables, excitantes, instables, excitantes, instables, excitantes.

« Poèmes colorisés »

Je te suspends à mon rouge,
Trace ma jaune jusqu’à ton vert,
Accueille ta violette sur mon orange,
Etreintes de nos indigos.
 Floriane

Poème de perspective

Héler hélianthes hémisphériques
Herbeux humus héroïque
Heures ruinées

Réveiller ravissements ravis
Revivre rêves retracés
Risquer moins

Mourir mornes modelages
Modernes mobilités meurtries
Mouille-toi

Têtes territoriales tenues
Tirant tensions tangibles
Terrain caché

Calendes circulaires colériques
Chahut curieux condensé
Collage pittoresque

Plume pour philosopher
Petitement pourvue
Patience nuancée

Notre nuée native
Nage naturellement naïve
Net changement

Curieuse contrée cernée
Centre capital, censuré
Cieux hennissants

Floriane 







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