Esclavage et Liberté
(Epithalame ou Beaux Présents Croisés)
L’âge sage lasse,
Glace les esclaves,
Avale le glas
Classe-le !
Lave-le !
Va, cavale escale !
Belle terre brille.
Réel rite l’été
Retire le blé.
Trie-le !
Lie-le !
Lire te libère.
Le traître se gave.
Avertis-le !
Il vacille.
Berce les rebelles
Rallie-les !
Livre ta rage
Agis et vis.
Yves
Sur la dune
Une lune
en alu.
En alu,
c’est la lune.
Nous deux nus,
une dune.
Sur la dune,
nous deux nus.
Puis la lune en allée,
avec toi je
m’emmêle,
à l’abri des oyats
et du sable, qui crisse,
sous le poids de tes cuisses.
C’est la dun’ du Pyla.
Traduction imaginaire du slovène
Demain
Quelle teinte a le temps aujourd’hui ?
Gris partout
Qui teint les morts vivants ailleurs ?
Le-soleil-d’or-dont-les-rayons-ordonnent-le-monde-et-son-écho[1]
Demain, y aura-t-il des nuages ?
Les nuages, ça se froisse
Demain, y aura-t-il des étoiles
filantes ?
Les étoiles filantes, ça se froisse
Là où le croissant s’envoyage
Qui a peint ici les chemins ?
La-lune-d’argent-dont-la-pâleur-étreint-et-borde-le-moindre-nid[2]
Quelle teinte, là-bas, l’horizon des
tendresses ?
Mauve partout
Demain, y aura-t-il des rubans ?
Les rubans, ça se froisse
Demain, y aura-t-il des dentelles de
souvenir ?
Les dentelles de souvenir, ça se froisse
Pour broder une nuance amie
Demain ailleurs peut-être un inconnu
discernera le tremblement d’une lueur
Demain ailleurs peut-être l’épaisse couleur de
la vase se dissipera
Demain, ici, là où j’hésite
L’aurore teindra-t-elle ce qui se frôle ?
Qui teindra ailleurs les rosées ?
Agathe
Photo n° 505 Quatrine des sens non visuels
Sensations forestières
Garde cette écorce qui t’écorche
L’humus te révèle la douceur des chanterelles
Bois tu frappes, bois qui craque
Tu cueilleras l’ail des ours prochainement
Epeiche et Epeichette tambourinent de plus belle
Flotte dans le sous-bois un esprit de printemps
Diffusion de violettes dans un peu d’eau chaude
Echarde plantée en plein dos
L’astringence de la terre sur ma langue
N’a pas la force du velours de ton regard
Primevères et muguet explosent en atmosphère florale
Je fais résonner ton nom au bout du chemin
De l’arbre mort s’échappe le parfum du passé
Le cri du Grimpereau est presqu’inaudible
J’enfonce mes deux mains dans la boue dégelée
Quand le sureau fleurira, j’en ferai du sirop.
Yves
Petite
boîte (sur une idée originale de
Jacques Jouet)
(contraintes :
6 vers de respectivement 7 7 8 ? 8
7 syllabes
? = verbe (les autres vers n’en contiendront
pas)
L’ensemble est une seule
phrase.
Support : une photo
témoignant de la vie quotidienne de Pirouésie)
Photo
611 (on voit les Pirouètes écoutant, attentifs, un orateur invisible derrière
le presbytère, - église en fond) :
Devant
le temple solaire
Adorateurs
et fidèles
En
postures de subsumants
Sourient
Au
grand vide au grand Goubelin
Au
gourou, bel Anonyme
Valérie Lotti
Quatrine
cynesthésique descendante(d’après
Frédérique Forte)
(contraintes :
4 strophes de 4 vers consacrés aux 4 sens sauf la vue avec permutation et
disparition d’un sens imposés : ABCD / CBA / BA / A.
Support : photo 501
(on voit des plats de chou-fleur au gratin entourant des gamelles
rectangulaires contenant des haricots verts fagotés par une large lanière de
lard fumé).
Plats
et gamelles distants dans les cageots font silence.
Le
gratin de chou-fleur enserre les haricots sans pouvoir même les effleurer.
Les
papilles encore frappées d’interdiction anticipent les saveurs.
Fromage
ou lard fin fumé, les plus forts fumets rivalisent.
Le
salé domine dans tous les plats.
Les
textures se disputent : fondant des légumes, élasticité du gratin,
résistance des viandes.
On se souvient du grésillement
des chairs dans la poêle de du « Plop ! » du gruyère qui
claque [sa
bulle dans le four.
Les
fagots de haricots jouent à touche-touche, les bouquets de chou-fleur se
confondent.
On
imagine le cliquetis des louches que l’on sort du sac.
Valérie Lotti
Photo n°603 et la petite boîte Yves et Arnaud
Face à la mer, au rivage
La vraie potentialité
D’une existence harassante
Se couche
En notes liminaires puis
En phrases définitives.
Un pied seul sur l’image
Deux mains, dix doigts concentrés
Hors cadre une tête coupée du corps
Dodeline
Nombreux mots approximatifs
Une syntaxe hésitante
Yves
et Arnaud
Fouler l’herbe qui chatouille les chevilles
Là-bas, là devant, les rumeurs, clapotis de
paroles
Préférer s’enivrer des odeurs des sous-bois
Un brin d’herbe à la bouche mâchouillé
distraitement
L’herbe à la bouche devient amère
La rumeur disparaît, seules les herbes
bruissent
Laisser griffer ses mains aux herbes hautes
Ici le sol s’ensable et glissent les sandales
Recracher le brin d’herbe, l’amertume qui
reste
Agathe
Poèmes à la façon de François Caradec (Les nuages de Paris)
Les
nuages de Pirou – sur le modèle de « La traversée de
Paris » de François Caradec
Un, deux, trois Pirou différents
Le vrai Pirou est-il au centre du
triangle ?
C’est exprès pour tromper les gens.
Faire le pont à Pirou-Bourg
Ou s’ensabler à Pirou-Pont
Je n’sais plus où
A force de tourner en rond
A Pirou-Plage où est l’amour !
Il faut de tout pour faire Pirou
Des vagabonds et des agents
Pompiers et sauveteurs hurlants
Des glaces, des gaufres, du Zan
Un club Mickey, des mômes piaillant
Des japonais peu abondants
Des beaux tracteurs, des coups de sonde
Des sirènes, du vent, des sœurs
Des curés, des grands, des blagueurs
Des lourds, des yoyos, des jongleurs
Des danseuses nues, des marcheurs,
Des croches et des noires bien rondes
Des dinosaures, des vauriens
Des noctambules, des magiciens
Des huitres, des lilliputiens
Des rabots, des clous, des martiens
Et ces blancs bonnets qu’on les tonde !
Des elfes, des trolls pas marrants
Un cimetière, des chats-huants
Des stressés et des nonchalants
Et cela fait un petit monde
Mais pas trop n’en faut.
SONNET MINCE
Passe au
salon !
Salon,
Pas sot !
Passe
haut !
Ça, long,
Sale ?
On
Passe au
Voisin.
Vois, un
ballon-
jouet,
Jouez
à l’ombre !
Jean-Luc D.
Inspirées
par Les Nuages de Paris, de François
Caradec, trois variations pirouésiennes
QUATRE
DISTIQUES PIROUAIS
Ce village
Pirou, où loge Rapilly,
Offre des moules-frites avec pili-pili.
Ce village
Pirou, un Liré du bocage,
M’était une province, et beaucoup davantage.
Ce village
Pirou de secours peut servir
Si votre garagiste est enclin à sévir.
Ce village
Pirou est au bord de la Manche,
J’y viens le
samedi, le lundi, le dimanche.
LA TRAVERSÉE
DE PIROU
La lande est
tout près, un tueur
Féroce vous
guette. Il est là, scrutateur.
Fuyez,
hop ! Qu’il ne vous étrangle !
Bulots, vite,
décramponnez !
Car ce
tueur, je le connais.
Voici son
nom :
Le
Tartreucide, un vrai démon,
Aussi nommé
Bulou-Garou…
C’est ça
Pirou ?
IL FAUT DE
TOUT POUR FAIRE PIROU
Des
vacanciers, des habitants,
Des
Parisiens, des bas-Normands,
Papys, mamys
et des parents,
Tonton, tata
et des enfants,
Il faut que
famille se fonde,
Des
carrioles et des tracteurs,
Des beaux
vélos et des marcheurs,
Des
pétanqueux et des surfeurs,
Des
barboteux et des nageurs,
Désireux
tous de gagner l’onde,
Des gros
zoziaux et des moyens,
Des animaux,
des chats, des chiens,
Ceux qui,
dans l’eau, se trouvent bien,
Bulots qu’on
vend pour trois fois rien,
Se cachant
dans la mer profonde.
Je vous le
dis, moi, Doutrelant,
Être à
Pirou, c’est excitant,
Et c’est
surtout dépaysant :
Ici, on se
sent loin du monde.
Mais pas
trop n’en faut !
Jean-Luc D.
Quatrains à rimes offertes
(Tu me portes toujours, même dans le silence
De Florence à Patras, de Corinthe à Valence
Dans leur visage à eux un sourire connu
Résonne dans tes yeux à l’instant mis à nu)
Ton rire mystérieux me vrille et se mélange
A l’incompréhension, fascination étrange
Pour ton regard perçant où nager sans périr
Est aussi périlleux que de
vouloir mourir
Atelier jeudi après-midi
avec Amélie
Mots tirés : vomir- houppelande
houppelande
: long vêtement de dessus, ouvert par-devant, souvent fourré, à larges manches
flottantes .
Le vomisseur en houppelande
Ma profession a
deux facettes toutes aussi dégueulasses l'une que l'autre.
Ce sont
généralement les femmes jeunes, voire très jeunes, souvent d'ailleurs pas
encore tout à fait femmes ou tout juste réglées, qui ont recours à mes
services. Cette clientèle est mince, très mince, voire extrêmement maigre, es
asperges dira-t-on, de la mauvaise herbe qui a poussé trop vite. Depuis peu,
elles ont fait leur deuil de Ken et n'éprouvent plus le besoin de communiquer à
leur meilleure amie, sur papier à lettre DIDL, chacun de leurs états d'âme.
Dès que l'une
d'elles commence à s'empiffrer, je sais qu'il est temps de décrocher ma
houppelande de la patère et de m'envoler à son chevet. Quelquefois, comme à
Pirou, la voie maritime étant plus rapide, j'étends mes larges manches
flottantes sur la mer et rame à toute vitesse. Il s'agit ensuite de protéger ma
protégée des regards indiscrets et de lui permettre, grâce à des attouchements
bien positionnés, de se libérer du trop plein accumulé entre oesophage et
intestin grêle. Je recueille alors ce nectar immonde et pestilent autant que
possible dans ma fourrure intérieure, pour ensuite l'évacuer peu à peu le long
de la manche gauche- dite orientale- puis de la manche droite- dite
occidentale.
Parfois j'ai à
faire à quelque client d'un tout autre genre. Il s'agit alors d'une clientèle
d'un genre moins déterminé, bien que très souvent, ce soient des femmes mûres,
très mûres déjà, de celles qui regardent toujours par la fenêtre ... Arrivé
auprès d'elles, j'ouvre un pan de ma houppelande, les protégeant à demi des
regards indiscrets pendant qu'elles vomissent leurs calomnies sur l'ensemble de
leurs connaissance. Mon art consiste à manier la houppelande de manière faire
écran entre la calomnieuse et la personne citée et à créer ainsi une sorte
d'intimité entre les jaseurs. Simultanément, je dois trier et recueillir tout
ce qui est débité afin de l'exgurgiter incognito sur les personnes concernées.
Si le métier de
vomisseur en houppelande vous intéresse, il faut savoir qu'il n'y a qu'une
école au monde pour apprendre toutes les ficelles du métier. Elle se trouve dans une île située entre la
Manche occidentale et la Manche orientale, pas très loin de Jersey, juste en
face de Pirou : un sac formé de gros rochers découverts seulement à marée
basse. Cela a l'avantage incontestable de permettre un nettoyage rapide des
houppelandes souillées.
Il est de plus en
plus difficile de renouveler le vivier des apprentis se destinant à notre sale
boulot . Les cinq dernières années, le concours d'entrée a dû être supprimé
faute de candidats.
Les qualités
requises sont le goût du contact et la facilité d'échange; la mobilité,
l'adaptabilité et la réactivité. Une grande capacité d'appropriation des rejets
en tous genres, qu'ils soient de consistance organique ou immorale est bien
entendu indispensable.
Les bulotiers
pirouais, d'ailleurs, regrettent cette baisse constante des vocations chez les
jeunes qui les oblige à mener leurs barges de plus en plus loin et à poser les
casiers de plus en plus profond pour une récolte minable. Les touristes, aussi,
commencent à bouder la fête des bulots. Déjà, les bulots se font rares beaucoup
moins dodus, se plaint-on en catimini, lors des soirées de Pirouésie. Vont-ils
bientôt disparaître, manquant des vitamines fournies par les jeunes filles qui
ne digéraient pas ?
Brigitte
Atelier jeudi après-midi
avec Amélie
Mots tirés : engouffrer - arbre
L'engouffreur
d'arbres
Je suis né dans les
Vosges au siècle dernier. Jusque fin décembre 1999, j'étais bûcheron. La vie
suivait encore son traintrain habituel. Le matin, j'attelais Bébert, un
Percheron dans la fleur de l'âge. Puis nous gravissions tous les deux un
sentier escarpé sur les flans d'un ballon, un jour au Grand Ventron, l'autre au Climont. Arrivé sur la parcelle, d'un
oeil vif, je repérais le martelage d'un épicéa à couper, j'évaluais rapidement
l'arbre et son environnement afin de déterminer la direction et la zone de
chute à privilégier. Martin, mon accolyte m'attendait déjà. Il avait monté la
schlitte, dégagé le sol autour des arbres à abattre et graissé le passe
partout, cette longue scie à deux manches que l'on manipulait à deux. Les
oiseaux chantaient. Alors tout suivait le rythme qu'avait déjà connu mon père
et mon grand-père. Le va et vient du passe partout, l'arbre qui geint, les
coups portés à la hache, l'arbre gémit la pose des coins, l'arbre craque. Il
tombe. Un geai crie . C'est le silence. Puis les tronçonneuses s'affairent, les
branches quittent le tronc. Après l'élagage il faut débiter les grumes et les
répartirsur la schlitte. Martin se met devant, cambre le dos. C'est la
descente. En bas, Germaine nous attend. La soupe sera bonne. *
Depuis Lothar,
cette tempête qui a ravagé les forêts de l'Est au lendemain de Noël, le métier
a changé. J'ai dû me reconvertir. Mes jambes ne me servent plus à grimper ni à
m'ancrer dans le sol., elles appuient sur des pédales. la cor,ne accumulée dans
les paumes de mes mains ne me sert plus à rien. Ce sont mes doigts qui
travaillent sur d'innombrables commandes. Six mois de formation pour apprendre
à piloter cette abatteuse de près de 20 tonnes, équipée du système
d'automatisation TimberMatic. Elle fait tout : l'abattage, l'ébranchage, le
tronçonnage et la griffe soulève les grumes et les empile sur le plateau-remorque
qu' elles quitteront débitées en granulés ou allumettes. Lorsque l'engin
redescend dans la vallée après quelques heures de travail, tout le versant est
nu, il ne reste que les souches. Je reste au sec dans ma cabine climatisée.
Mais la nuit mon dos torturé par les vibrations m'empêche de dormir. Je ne risque plus l'accident de la schlitte
qui s'emballe. Mais attention à l'enlisement! Et quel vacarme: le grondement
des moteurs, les sons stridents, perçants, un brouhaha incessant dans une forêt
de silence. Lothar a violemment précipité ma profession dans un enfer. Je suis
devenu engouffreur d'arbres.
Dialogue entre
le calorifugeur de force et l'engouffreur d'arbres
- Ce qui m'intéresse vraiment c'est de savoir
comment vous arriver à limiter l'échauffement des engouffreurs.
- C'est un réel
problème en effet. Nous avions prévu un réfrigérateur de poche dans
l'habitacle. Mais très rapidement, les engouffreurs y stockèrent leur schnaps.
-
C'est donc des engouffreurs d'alcool, si je comprends bien,
-Il n'y aurait pas
eu besoin de six mois pour cette reconversion. C'était inné.
- Notez que l'alcool ça réchauffe drôlement aussi.
Comment pourrait-on calorifuger ces saoulards ? Je puis étudier la question. !
- Et n'hésitez pas à employer la force.
Henry et Brigitte
Dialogue entre
le vomisseur en houppelande et le caviardeur de rateau
-En
quoi puis-je vous être utile ?
-Je
n'en sais pas grand'chose... Votre métier me paraît tellement exotique ! Le
mien au moins est très courant.
-Avez-vous
au moins bien digéré le lapin au cidre de ce midi ,
-Non,
je l'ai vomi sur ma houppelande dans un coin du presbytère... Je n'osais pas
l'avouer.
-Vous
exagérez ! Je vais me plaindre à ma chambre des métiers : c'est de la
concurrence déloyale ! Faut pas s'étonner que notre métier se meure !
- Si maintenant on ne
peut plus vomir à son aise sur sa houppelande, où va-t-on ? plaignez-vous à la
chambre des métiers. moi, je ferai appel à la Cour des Droits de l'Homme !
-
Du râteau ! Du râteau !
Brigitte et Henry
Morale élémentaire d'après 'Du côté de chez Swann' de Marcel Proust
Dimanche ensoleillé Jardin ombragé Marronnier paisible
Existence vidée
Lecture magique Silence azuré Oreilles hallucinées
Cloche effacée
Aspirations étranges Pays arrosé Eaux vives
Vie aventureuse
Dans le cristal
successif
lentement
changeant de
mes heures silencieuses
sonores, odorantes
et limpides
Fille folle Oranger renversé Garnison arrivée
Lecture interrompue
Antoine Debergues
Petite expérience philosophique quotidienne
Pause-café
Durée : 1 à 2 minutes
Matériel : Une cafetière, quelques personnes désireuses de boire un café, une tasse vide pour chaque personne.
Effet de l'expérience : s'oublier un peu
Arrivez dans la cuisine du presbytère avec l'intention de boire un café environ dix minutes avant la présentation des ateliers de l'après-midi. Constatez qu'il reste du café et que plusieurs personnes viennent d'entrer dans la pièce et de se saisir d'une tasse, dans l'intention évidente de boire du bon café. À ce moment-là vous avez la cafetière en main, vous ne vous êtes pas encore servi mais vous proposez à la première personne de la servir. Ceci fait, vous vous laissez emporter par cet élan de générosité et vous lancez aux quatre autres personnes pas encore servies : 'Oh ben tant que j'y suis !'Vous vous servirez après avoir servi vos camarades.
Durant cet micro-scène vous avez accompli un acte qu'on peut qualifier de 'gentil', vous avez spontanément pensé aux autres avant de penser à vous, siphonné votre moi de son trop-plein d'ego
et vidé la cafetière (n'oubliez de refaire du café). Une petite ouverture vers quelque chose de plus grand.
Antoine Debergues
99
notes préparatoires à... (sur une idée originale de Frédéric Forte)
99 notes préparatoires à l’itinéraire d’un lecteur
potentiel
1)
Longtemps lire a été un
privilège de classe.
2)
Lire a pu – et peut
encore - signifier un pouvoir.
3)
Être lecteur, être
électeur.
4)
Lire n’a pas toujours
été un acte laïque, gratuit et obligatoire.
5)
Une élite jalouse a
longtemps conservé cette supériorité intellectuelle.
6)
Une élite éclairée a
voulu la partager avec le plus grand nombre.
7)
Ne pas savoir lire, ne
pas être libre.
8)
Apprendre à lire à tous.
9)
Un enfant apprend à lire
une première fois vers 7 ans, âge dit de « raison ».
10) Lire égale alors « déchiffrer » - défricher
la langue : sons, articulations, combinaisons – et
« comprendre ».
11) Lectures utiles ou utilitaires : recette de
cuisine, factures, feuille d’imposition, notice de montage…
12) Je veux lire tout seul.
13) Lecture-plaisir : se raconter des histoires.
14) Un adolescent apprend à lire une deuxième fois :
accéder à un sens non immédiat. Se voit-il fourmi ? Se rêve-t-il
cigale ?
15) Ticket aller pour la littérature.
16) « J’aime pas lire. » :
incompréhensible !
17) Fréquentation assidue des bibliothèques en attente du
premier argent de poche.
18) Lire : un passe-temps ?
19) Lectures frivoles, futiles, inutiles : magazines,
romans-photos… Bandes-dessinées ?!… Oh !
20) Premiers « vrais » livres : Le Petit
Prince, Le Grand Meaulnes, Le journal d’Anne Franck.
21) Virus de la lecture.
22) Ne pas vouloir en guérir.
23) Lire : mauvais pour la santé ? Danger ?
Protection ?
24) Leitmotiv maternel : « Tu lis encore ?
Mais sors ! Va t’aérer ! »
25) Premiers argent et livres de poche : Paroles,
Exercices de style, L’Écume des jours.
26) Troisième apprentissage de la lecture : notion de
style, - dire et surtout comment dire.
27) Lectures justifiées : le bac de français. En
abuser !
28) Lire avec les oreilles : Rimbaud, Verlaine,
Aragon, Villon… dans la voix de Brassens, Ferrat, Ferré…
29) Lire : révélation du monde plus que du soi.
30) Lire : passion pas passive.
31) Livres qui font changer de chemin.
32) Livres qui changent la vie.
33) Ne pas savoir lire dans le marc de café puisqu’on boit
du thé en lisant.
34) Les livres beaux, les beaux livres, les
Belles-Lettres.
35) Études de Lettres.
36) Lecture des lettres.
37) La lecture, un « vice impuni ». Un
vice ?!… Impuni ?…
38) Madame Bovary, ce n’est pas moi.
39) Qu’est-ce qu’un « bon » livre ?
40) Pourquoi lire les classiques ?
41) De la lecture avant toute chose et que le reste soit
littérature !
42) Amour et lecture : « Tu lis contre
moi ! »*.
43) Lire ou séduire, il faut choisir.
* François Truffaut, L’Homme qui aimait les
femmes.
(Là s’est arrêtée ma lecture … J’avais écrit alors
47 notes. J’ai procédé à de légères – j’ai le plus souvent allégé le
texte ! - retouches ici ou là en les recopiant et ai ajouté l’item 28.).
Valérie Lotti
Floriane
EPITHALAME GREVISSIEN
sur l’union du vocabulaire et de la grammaire
Voici : Rage !
arbre ou
abri Régir,
régir,
Bravo ! gémir,
cabri ou
cabriole ramer,
Olé ! ramage,
il ou elle,
elle ou lui maigre
grimage…
éclair ou
lueur Gare,
oreille ou
ocelle… Mamma
mia !
Voici,
voilà. Marre !
Marre !
La grammaire gère le vocabulaire.
Elle règle, elle
mêle, elle relie.
Le vocabulaire,
lui, comble la gamme.
Le babil m’agrée,
vice oublié.
Avec elle, avec
lui, voilà le mariage rêvé.
Grâce à lui,
grâce à elle, voici
la magie imagée.
Jean-Luc D.
HOMOSYNTAXISME
Phrases de
départ : Toute ma vie, je me
suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien
que la raison. J’ai d’instinct l’impression que la providence l’a créée pour
des succès achevés ou des malheurs exemplaires. (Charles de Gaulle, Mémoires de guerre)
Tous les étés, je me suis fait un certain nombre de kilos de
confiture. La gourmandise m’y invite aussi bien que le souci de l’économie.
J’ai stomachalement la conviction que mes marmites l’ont cuite pour des
banquets fastueux ou des indigestions funestes. (Tant’ Yvonne, Mémoires de naguère : déconfitures,
dégelées et autres compotes)
Jean-Luc
D.
CHAÎNE DE QUATRE HAIKUS AVEC CLAUSULE ALEXANDRINE
L’herbe
jaune et rase
Dans le ciel
un oiseau crie
Tige redressée
Tige
redressée
Là, dans le
carré magique
La vrille s’enroule
S’enroulent
les mots
Tout autour
de l’armature
De la forme fixe
La forme
fixée
Ici des vers
enchaînés
Ecrits aujourd’hui
Tiges de mots tressés, sous le ciel un oiseau.
Le souffle
du vent
Et
l’acharnement du lierre
Nature éternelle
Nature
éternelle
Feuille,
fleur et puis noyau
L’été puis l’automne
L’été puis
l’automne
La voix des
cloches rend-elle
Un son identique ?
Un son identique
Souffrance
de l’escargot
Plaisir du lézard
De lierre couronné, l’été souffre et se meurt. Collectif
CONCILIABOULES DE NEIGE DE MOTS (croissantes et
décroissantes, avec expansion ultérieure d’une réplique au choix)
– Dégage !
– Non
pas.
– Tu t’accroches ?
– Lâche-moi
les baskets.
– Tu m’énerves trop fort.
– Non,
assez, ça suffit ! Si je veux rester avec toi, je reste. Pour la
première fois que tu rencontres une fille !... Alors je peux tenir la
chandelle.
– Doucement les basses !
– D’accord.
– Maman !!!
– Tiens !
– Incroyable
coïncidence !
– La même
femme !
– Celle de la plage.
– On devrait lui
parler maintenant.
– Au moment crucial
où…
– Où elle
quoi ?
– Où quoi ?
Bon sang, regarde bien ce qui se passe ! A quoi te font penser ses gesticulations ?
Ne comprends-tu donc pas quel est son manège, là au milieu des flots ? Ne
te semble-t-il pas qu’elle…
– Coule !
Collectif
SONNET COIFFÉ
Garde-champêtre
altier, ôte de ton bicorne
L’attribut
désuet. Si tu étais yéyé,
Tu
laisserais tomber cette taie d’oreiller
Qui, en points d’Alençon, préfecture de l’Orne,
Te sert de
couvre-chef. Permets ici que j’orne
Ton beau
crâne vainqueur d’un chapeau de papier,
D’une page
arrachée à mon petit cahier
Dont je retrousserai les deux pointes en corne.
Ou bien, si
tu préfères, avec un vieux pudding,
Tout en
sonnant ta cloche (elle fait : ding ding ding).
Va donc de huis en huis, tandis que tu allumes
Chaque
chandelle morte à l’instar de Pierrot !
Chaval te
soufflera : ils sont cons, les oiseaux.
Tu le seras aussi, toi qui portes la plume.
Jean-Luc D.
QUATRAIN JOUETIEN (et mathématique)
Je pose
quatre, deux, ces chiffres doucement,
Puis douze,
trente, trois ; j’ajoute presque treize
Dont j’ôte
quatre, six (je cherche lentement),
Quatre, trente barrés : la somme donne seize.
Jean-Luc D.
SONNET MINCE
Passe au
salon !
Salon,
Pas sot !
Passe
haut !
Ça, long,
Sale ?
On
Passe au
Voisin.
Vois, un
ballon-
jouet,
Jouez
à l’ombre !
Jean-Luc D.
« Epithalame »
Ta trace menace ma tempérance
Ta tempérance, cette âme
armée
Narre ta trace
Encre ta race
Pare à cette errance
Ta trace menace ma
tempérance
A côté, ton axe cite :
« Action ! »
Cet ion à toi et à tâtons
Tente l’excitation
« Tic-tac,
tic-tac »
Ta natte nette nie
Ta trace noie ma tempérance
Menace mon axe
Attache mon âme à ta nation.
Floriane
« Tempête sous un
crâne »
Faîtes que mes cheveux se
transforment en aiguilles de pins, mes membres deviennent branches, mon corps
tronc.
Ainsi, je pourrais me
laisser aller à l’expérience de la verticalité sans effort, verticalité sans
effort, verticalité sans effort, verticalité sans effort…
10 ans plus tard
Putain de branches, elles
me reviennent toujours dans la gueule. Ma verticalité m’oppose, mon tronc me
flippe, mes aiguilles tombent et éprouvent mes racines.
Faîtes que mes aiguilles se
transforment en cheveux, mes branches en membres, mon tronc en corps.
Je pourrais faire à jamais l’expérience de la mobilité des hommes, instables, excitantes, instables, excitantes, instables, excitantes.
Je pourrais faire à jamais l’expérience de la mobilité des hommes, instables, excitantes, instables, excitantes, instables, excitantes.
« Poèmes
colorisés »
Je te suspends à mon rouge,
Trace ma jaune jusqu’à ton
vert,
Accueille ta violette sur
mon orange,
Etreintes de nos indigos.
Poème de perspective
Héler hélianthes hémisphériques
Herbeux humus héroïque
Heures ruinées
Réveiller ravissements ravis
Revivre rêves retracés
Risquer moins
Mourir mornes modelages
Modernes mobilités meurtries
Mouille-toi
Têtes territoriales tenues
Tirant tensions tangibles
Terrain caché
Calendes circulaires colériques
Chahut curieux condensé
Collage pittoresque
Plume pour philosopher
Petitement pourvue
Patience nuancée
Notre nuée native
Nage naturellement naïve
Net changement
Curieuse contrée cernée
Centre capital, censuré
Cieux hennissants
Floriane
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